Franco Perna
Avant de connaître le SCI, j’ai participé à des chantiers de travail volontaire avec d’autres organisations (en Italie, Irlande du Nord et Palestine, de 1955 à 1960), en particulier avec le mouvement oecuménique. C’est seulement en 1961 que j’ai travaillé pour la première fois pour le SCI, en participant à la construction d’une école rurale en Pologne. Au cours de ces années, j’étais Secrétaire pour la jeunesse du Mouvement international pour la Réconciliation, basé à Londres et je souhaitais mieux connaître l’Europe de l’Est. Le SCI était la seule organisation qui envoyait des volontaires à l’Est en 1961. Cette expérience était très positive et elle ajoutait une nouvelle dimension à mon implication dans d’autres projets Est-Ouest, comme la Conférence des chrétiens pour la paix en Tchécoslovaquie et la visite aux églises d’URSS.
J’ai une petite histoire à raconter sur le chantier de Kowalewo en Pologne. Nous avions deux responsables: l’un de l’Ouest et le second désigné par l’Union rurale de la Jeunesse polonaise. Le responsable polonais ne faisait que donner des instructions, mais il ne voulait pas lui-même faire de travail manuel... jusqu’à ce que les volontaires décident que seuls ceux qui travaillaient auraient le droit de manger... Le jour suivant, il a accepté avec réticence de nous rejoindre le reste de l’équipe et, avec les jours qui passaient, il a fini par prendre goût à ce travail.
Il y avait aussi des discussions longues (tout devait être traduit en 3 ou 4 langues) et animées dans la soirée, en particulier sur le concept de paix à l’Ouest et à l’Est. Certains d’entre nous mettaient en avant la conception chrétienne de la paix : “Si l’on te jette la pierre, tu tends la joue”. La réaction immédiate était : « Non, dans une société socialiste, on répond en envoyant une pierre plus grosse ». Il ne faut pas oublier qu’à l’époque le monde était dominé par la guerre froide.
J’ai été Secrétaire pour l’Europe du SCI, chargé de la coordination et en particulier du placement chaque année de 5 à 6 000 volontaires dans des chantiers d’été. Ce travail était assuré par un Bureau de coordination, situé d’abord à Londres (1967) puis à Luxembourg, où le secrétariat européen s’est installé jusqu’en 1970. Mais j’ai voyagé dans toute l’Europe et souvent au-delà, en particulier en Asie où – à l’époque – près de la moitié des branches et des groupes du SCI étaient situés. La diffusion des idéaux du SCI se faisait avec beaucoup de vitalité et de diversité.
Critiques et débats
Normalement, l’action du SCI consistait surtout en un travail manuel, éventuellement combiné avec des discussions sur le thème de la paix. Mais au cours des années 70, beaucoup de projets, en particulier en Europe, se sont situés dans le domaine social ou de l’environnement. En visitant ces chantiers, j’ai souvent rencontré des volontaires qui étaient souvent très critiques des autorités locales pour ne pas faire leur travail et utiliser les volontaires comme de la main-d’oeuvre à bon marché. A tel point que certains d’entre eux – qui affichaient des idées politiques et sociales radicales – ne se sentaient pas toujours bienvenus sur des chantiers particulièrement « sensibles ». Ces situations engendraient parfois des tensions entre les volontaires et le SCI d’un côté et de l’autre entre notre mouvement et les organismes responsables du projet.
Notre devise « Pas de paroles, des actes » n’avait pas exactement la même signification partout. En Europe, où le mouvement était plus politisé, beaucoup de volontaires auraient même suggéré de la modifier pour la remplacer par : « Des actions et des paroles ».
Je me souviens que dans certains pays, comme les Pays-Bas, plusieurs groupes locaux avaient refusé de participer à un chantier sans avoir procédé d’abord à une sorte d’analyse sociopolitique du contexte. Et je ne parle pas de pays comme l’Italie et la Corée, où toutes les activités entreprises au nom du SCI avaient été suspendues par le Comité international en raison de positions politiques adoptées à l’encontre de l’orientation générale du mouvement, fondée sur la tolérance et la compréhension mutuelle. « La diversité dans l’unité » était le thème d’un important séminaire organisé à Delhi en 1979. Cependant, dans certains cas, par exemple en Espagne et au Portugal, la coopération avec certaines organisations locales de jeunesse avait été refusée. C’est seulement en 1981 qu’il a été décidé de reprendre concrètement des activités dans ces deux pays..
En 1970, suite à des difficultés financières, le Bureau de Luxembourg et le Bureau de coordination ont dû fermer et les branches européennes ont été obligées d’assurer de nouvelles responsabilités. Je suis devenu Secrétaire international, en succédant à Thedy et le suis resté de 1976 à 1980. De 1970 à 1976, j’avais été consultant pour les institutions européennes et pour les Nations Unies (à Genève et en Iran). En 1981, j’ai été élu président du SCI, j’ai rempli cette fonction jusqu’à 1985 et je suis resté actif à titre non officiel. De 1983 à 1993, j’ai travaillé avec les Quakers comme Secrétaire exécutif pour l’Europe et le Moyen Orient, encore au Luxembourg. Je suis rentré en Italie en 1994, mais j’ai aussi vécu pendant de longue périodes en Grande-Bretagne et en France. J’ai toujours eu une activité à caractère international, j’ai beaucoup voyagé (dans 80 pays) et mes enfants vivent la plupart du temps à l’étranger. ,
Extrait d’un article rédigé pour le 70e anniversaire du SCI:
Ce qui m’a d’abord attiré au SCI, c’est sa dimension internationale et sa capacité à rester un mouvement ouvert, même à l’époque où certaines positions radicales prédominaient dans les organes dirigeants, sinon dans ses activités elles-mêmes. Une autre caractéristique appréciable du mouvement a toujours résulté du fait qu’il offrait une possibilité de se découvrir soi-même. Ce n’est pas facile, car cela exige à la fois une initiative individuelle et un dur travail. (autre extrait dans la conclusion)