Frank Judd
La période que j’ai passée avec le SCI a été l’une des plus excitantes et des plus plaisantes de ma vie. Après mon service militaire, j’avais décidé de travailler pour la paix et la compréhension internationale. Je souhaitais aussi m’engager au profit de la communauté. J’avais obtenu une libération anticipée de la Royal Air Force, pour pouvoir être candidat (du Labour Party) aux élections législatives de 1959. En fait, j’étais le plus jeune candidat, dans une circonscription conservatrice et j’ai perdu ! Qu’allais-je faire ?
Le fait qu’au même moment l’IVS cherchait des candidats pour le poste de Secrétaire général était providentiel. J’ai posé ma candidature avec quelque appréhension. Je craignais qu’avec ses traditions nettement pacifistes et un grand nombre de ses membres ayant accompli un service alternatif pendant et après la guerre à l’IVS, mon service avec la Royal Air Force soit un handicap. Ce n’a pas été le cas. Mes interlocuteurs ont paru plus intéressés par mes activités antérieures d’étudiant avec une dimension internationale, comme président de l’United Nations Student Association et membre de la direction de l’International Student movement pour les Nations Unies – une fonction qui m’avait conduit en Chine en 1956.
Quoiqu’il en soit, l’esprit de Pierre et Ernest Cérésole l’a emporté : les pacifistes et les non pacifistes pouvaient travailler ensemble. Les amitiés qui se sont créées avec les pacifistes comptent parmi les plus durables et les plus importantes. C‘était le cas avec Ralph et Idy Hegnauer, René Bovard, Valli Seshan, Douglas Childs and Derek Edwards et ces amitiés sont restées très fortes à l’époque où j’étais ministre de la Défense.
Au cours des années 60, ce qui caractérisait l’IVS/SCI était son champ d’action. Pour lui, la paix doit être fondée sur la solidarité, le service des autres et un sens de la communauté qui ne connaît pas de bornes. Nous avions des chantiers de week-end, organisés par les groupes locaux dans les zones urbaines, pour personnes âgées en difficulté, nous avions d’anciens détenus rejoignant nos équipes pour participer à ces chantiers, des chantiers internationaux dans des hôpitaux psychiatriques et des centres pour handicapés mentaux, nous allions travailler dans des régions isolées d’Ecosse et des îles, pour l‘adduction d’eau et l’électrification et pour créer des chemins. Même à cette époque de fermeture de la Guerre froide, nous avions des chantiers Est-Ouest. L’un de mes proches cousins a épousé une Tchèque à la suite de l’un de ces chantiers.
En 1959, IVS avait douze projets internationaux au Royaume-Uni, en 1966, il y en avait 120. Cette croissance extraordinaire était illustrée de manière frappante par le fait qu’en dépit de l’obscurité générale entraînée par les risques nucléaires et la confrontation idéologique, il pouvait exister une vision, un espoir, un idéalisme et un plaisir à construire, de manière interculturelle, des liens significatifs entre des frontières redoutables, dans un esprit de solidarité et de service. Bien sûr, il y avait des discussions, des discussions – même des conflits – au niveau local, national et international, mais tout cela faisait partie de la construction d’une communauté.
L’association envoyait également des volontaires à long terme en Asie, Afrique, à Maurice et aux Seychelles – avant même qu’un aéroport ait été prévu – et nous avions des volontaires africains au Royaume-Uni. Notre expérience concrète, efficace, collective, s’étendait du voisinage immédiat à toute l’Europe et au monde entier. L’humanité était l’humanité, le service était le service, qu’il soit à court ou long terme, n’importe où. C’était en soi une conception très significative. Pour être franc, j’ai été attristé lorsque, dans la suite de l’histoire du SCI, au moins en ce qui concerne l’IVS a jugé nécessaire de se subdiviser en deux organisations : l’une centrée sur l’Europe et l’autre sur le Tiers Monde. Je considère que cela remettait en cause la vision de l’humanité comme un seul ensemble. Le travail avec les plus pauvres des pays pauvres faisait partie de tout un ensemble de besoins auxquels il fallait répondre, aussi bien dans le pays de Galles, à Londres, Birmingham, Belfast ou en Ecosse.
Toute cette activité, parfois stupéfiante, était rendue possible par une armée admirable de volontaires, de responsables et de membres des différents comités. Leur moteur était l’inspiration. Pour moi, je suis encore très touché quand, dans les circonstances et les lieux les plus inattendus, des gens viennent à moi et me disent : « Frank, te souviens-tu , nous nous sommes rencontrés à l’IVS ou au SCI ? » Les SCI a joué un rôle essentiel dans la formation de ma personnalité. Et je sais que son action a autant de sens, est aussi impérative et urgente pour répondre aux problèmes d’aujourd’hui qu’à ceux des années 20 ou des années 60.