Martin Pierce
Premiers contacts avec le SCI
Au cours de l’été 1970, un ami m’a dit qu’il allait sur un chantier à Dharamsala, au Nord de l’Inde. Je ne savais rien sur les chantiers, ni sur le SCI, mais j’ai pensé que ce serait amusant et je suis parti avec lui, sans me porter candidat auprès de la branche indienne. Nous sommes arrivés avec un jour de retard, mais heureusement le responsable du chantier (John Hitchins) étant à l’hôpital avec une hépatite, personne n’a fait d’objection à ma présence. Ce chantier a été pour moi une expérience essentielle. Mes attentes dans différents domaines se trouvaient comblées et j’ai eu le sentiment « d’arriver au port ». A la réflexion, cela peut s’expliquer de différentes manières :
- j’avais une formation de juriste, mais une carrière dans ce domaine ne m’intéressait pas et je cherchais quelque chose de plus satisfaisant ;.
- élevé en Inde parmi les privilégiés, j’avais reçu une éducation également privilégiée et j’avais enseigné comme volontaire dans une école de l’élite. La simplicité des conditions de vie au chantier représentait un contraste réconfortant ;
- je me suis senti accepté et stimulé par un groupe amical ;
- le travail manuel était un antidote bienvenu par rapport au monde plus cérébral dans lequel je vivais habituellement ;
- enfin l’histoire et la philosophie du SCI, avec ses origines et ses principes pacifistes et non violents me plaisaient et je pouvais m’identifier avec eux.
Mes expériences avec le SCI
Elles peuvent être résumées comme suit :
- 1970-1971 Chantiers en Inde pendant les vacances, notamment un chantier d’urgence dans un camp de réfugiés près de Calcutta pour des réfugiés du Bengale, tout en enseignant dans le cadre du Voluntary Service Overseas au Pendjab. ;
- 1972-1974 Volontaire à long terme du SCI en Inde, principalement comme coordinateur du projet de Nangaloï à Delhi.
- 1975-1977. Volontaire du SCI, avec mon épouse Juliet, au Centre régional de formation de Visionville. Participation à et animation de plusieurs chantiers.
- 1980-1984. Employé par l’IVS comme responsable opérationnel pour le Nord de l’Angleterre.
- 1985-1987. Président du Comité national de l’IVS.
Bons et moins bons souvenirs
Les bons souvenirs :
- L’amitié : le SCI m’a permis de trouver un groupe de personnes vivantes et réfléchies, de cultures et d’origines très diverses ;
- Un travail qui a un sens : Les activités du SCI permettaient de s’engager d’une manière qui apportait des satisfactions, avec des groupes de personnes venant d’un monde que l’on n’aurait jamais rencontrés autrement ;
- L’idéologie : l’histoire de l’association, qui se reflétait chez ses membres les plus anciens et leurs itinéraires, était une inspiration. C’était une réponse réconfortante à quelques-unes de mes questions et de mes craintes : crainte de la guerre, en particulier nucléaire, violence et conflits entre pays, communautés et même dans les familles, écarts entre riches et pauvres, divisions entre les peuples, leurs croyances et leurs religions ;
- La simplicité des modes de vie partagés. La culture de l’interdépendance était profondément satisfaisante. C’était un remède après une vie privilégiée et quelque peu aliénante.
Particulièrement plaisantes ont été mon expérience du premier chantier et de bien d’autres, avec le sentiment d’être accepté, de faire quelque chose qui avait un sens et de se trouver au coeur d’une organisation, avec les Seshan, puis les Sato à Visionville – une expérience extraordinairement riche et stimulante ; la rencontre avec Juliet et, cinq ans plus tard, la décision de nous marier ; l’organisation (et la participation à) des chantiers à caractère plus politique, avec un thème comme la non-violence ou la paix.
J’ai un souvenir particulier d’une journée passée au chantier de Dharamsala, lorsqu’il pleuvait si fort que les animateurs ont décidé d’en faire une journée de repos. Mais j’étais si euphorique d’avoir trouvé un sens nouveau à ma vie que je me suis retrouvé seul avec mon outil, en haut de la colline raide menant au chantier. Et j’ai passé là une journée de bonheur, à essayer de casser les rochers pour faire les fondations d’un orphelinat ! Mon enthousiasme était grand, mais bien peu efficace, surtout par comparaison avec les six Tibétaines qui travaillaient à côté de moi de manière rythmée en chantant et qui réussissaient à briser les rocs avec moins d’efforts et plus d’efficacité. Un côté merveilleux du SCI, c’est que les volontaires peuvent n’avoir aucune compétence ou être très productifs, mais ce sont leurs aspirations et leur degré d’engagement qui font la différence.
J’ai de moins bons souvenirs des moments où j’ai été pris dans des conflits : entre des groupes locaux et la branche nationale en Inde ; avec un volontaire indien au projet de Nagoi, avec le groupe local à Bangalore ou avec le programme pour les adolescents à Leeds. J’ai aussi mal perçu certaines critiques de membres du Comité international, notamment européens, à l’égard de projets. J’ai été également impliqué dans les débats sur les prises de position du SCI, entre «idéalistes » et « pragmatiques » (j’appartenais à la première catégorie). Enfin, je dois reconnaître que des réunions inefficaces m’ont laissé frustré.