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R.L., à sa sortie de l’université en Angleterre, avait décidé de voyager et a rencontré le SCI par hasard. Il a travaillé plusieurs mois sur le chantier en Algérie, notamment à El Khemis (Tlemcen), puis a été volontaire et responsable de chantier pour une autre organisation en Iran. Par la suite, il a étudié l’administration dans les pays en développement, ce qui l’a amené à devenir coordinateur de projet en Iran. Il a exercé ultérieurement des responsabilités dans un organisme pour l’hébergement d’étudiants et dans une université.

Origin of the text
Olivier Bertrand: Breaking down barriers 1945-1975, 30 years of voluntary service for peace with Service Civil International.
Paris (2008)

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RL

Rencontre par hasard avec le SCI

En novembre 1962 (j’avais 23 ans), je me trouvais à Gibraltar et je me demandais ce que j’allais faire. J’étais parti un mois plus tôt des Iles Anglo-Normandes dans la Manche, où j’avais travaillé pendant l’été au bar d’hôtels de vacances. Auparavant, j’avais fait des études littéraires et après ma licence j’avais enseigné dans un lycée pendant un semestre. Mais ça ne m’avait pas plu et j’avais décidé de prendre la route pour une année afin de voir ce que je voulais faire de ma vie.
Dans le seul hôtel bon marché de Gibraltar, nous nous demandions où nous allions aller et comment :
peu d’entre nous avaient assez d’argent pour faire quelque chose de réellement excitant et j’étais sur le point de m’engager pour enseigner pendant un an et de m’installer à Gibraltar pour un certain temps.
Ce plan a été interrompu par l’arrivée de deux jeunes Anglais qui venaient d’Algérie, où ils avaient participé à un chantier de travail volontaire près de la frontière marocaine. Ils en parlaient avec tant d’enthousiasme et attachaient tant d’importance à ce travail que je me suis à mon tour passionné pour ce projet, en même temps qu’un couple d’Anglais possesseurs d’une vieille Fiat. Nous avons décidé de partir aussitôt pour aller voir par nous-mêmes.
Le lendemain, nous avons pris le ferry pour le Maroc et, dés notre arrivée, la route de l’est vers l’Algérie. La voiture avait quelques problèmes, mais nous sommes finalement arrivés à Oujda. Le lendemain, nous avons traversé la frontière sans difficulté et nous avons continué jusqu’à Tlemcen, pour nous rendre à l’adresse indiquée, celle du Service Civil International. .Après quelques jours, on m’a dit de partir le jour même pour El Khemis, mais les deux garçons avaient décidé que ce n’était pas pour eux et étaient partis pour Le Caire. Je n’ai plus jamais entendu parler d’eux. Arrivé à Tlemcen, je suis devenu membre du SCI et j’ai signé un contrat pour six mois. .

Cuisinier, aide-soignant, chauffeur et enseignant en Algérie

Le voyage jusqu’au projet était très plaisant et j’ai été impressionné de voir le vieux fort de la Légion étrangère dans lequel j’allais m’installer. J’ai accepté de contribuer au travail de chantier à l’extérieur pendant quelque temps, jusqu’à ce qu’on me trouve un travail approprié, mais après quelque jours, je me suis blessé au doigt et j’ai dû renoncer à travailler sur le chantier. J’ai été obligé de rester confiné sur notre lieu d’hébergement, où j’ai fait toutes sortes de travaux : la cuisine pour tout le monde pendant quelques semaines et, comme j’étais l’une des rares à avoir un permis, on m’a demandé de conduire différents véhicules, y compris un gros camion. J’ai dû également soigner des volontaires malades, notamment l’hépatite qu’on appelait alors la jaunisse. On les renvoyait d’habitude en Europe après la phase aiguë de la maladie. Il y avait aussi la distribution de lait et de vitamines aux enfants, ainsi que les travaux permettant de rendre les locaux du fort plus habitable, après le vandalisme qu’ils avaient subi de la part de soldats qui l’avaient quitté avec amertume.. J’ai passé également quelque temps à maintenir en état de marche la pompe qui amenait l’eau au village en dessous. Lorsque l’on n’y parvenait pas, il fallait aller avec le camion ou la Land-Rover chercher l’eau à la source dans la vallée, dans des bidons de 200 litres.
Après avoir fait la cuisine pendant trois semaines, j’ai été envoyé à la ville de Maghnia pour remplacer un professeur de lycée qui devait s’absenter cinq semaines pour une opération. Il fallait enseigner l’anglais à partir du français et il m’a semblé que je m’en tirais assez bien, car mon français était à l’époque assez courant : j’avais passé trois mois à Lyon quand j’avais quinze ans et depuis continué à étudier la langue.
A Maghnia, il y avait toutes sortes de nationalités, dont une équipe d’experts russes qui avaient entrepris un programme massif de déminage avec quelques soldats algériens. Il y avait aussi une école révolutionnaire, dont l’objectif était, me semble-t-il, de contribuer au combat pour l’indépendance d’autres pays, suivant l’exemple que l’Algérie venait de donner. Le soir, dans le cinéma de la ville, on pouvait entendre une variété de langues étrangères, souvent l’anglais, qui pouvait être parlé par des Africains des colonies européennes au sud du Sahara. Ces quelques semaines ont été très intéressantes. Ensuite, il a fallu retourner au fort.
Mon travail a consisté pendant quelque temps à conduire l’une des infirmières dans sa tournée dans les cliniques situées au nord du Sahara. J’ai vu là de terribles exemples de l’effet de la guerre et des mines sur des populations innocentes, le plus souvent des enfants blessés par les mines. La malnutrition était aussi particulièrement visible, sur l’ensemble de la population mais surtout les femmes et les enfants.
Au retour de l’infirmière, j’ai été lancé dans une autre aventure : j’ai été détaché pour ramener une Land-Rover en panne sur la route de la ville alors appelée Colomb-Béchar. Le plus économique pour nous était d’aller la chercher. Harry, notre plus vieux volontaire (50 ans), était avec moi. Il avait été sergent chef dans l’armée britannique pendant la Deuxième Guerre mondiale et avait notamment participé à la bataille d’El Alamein. A Noël, il nous avait impressionnés en fabriquant un four avec un bidon d’huile et quantité de terre. Ce dispositif avait bien fonctionné, mais ce n’était pas seulement pour ça qu’il était apprécié ! C’était quelqu’un de très positif, face à n’importe quelle situation et son attitude était contagieuse.
La route que nous devions prendre était bordée tout au long par l’un des principaux champs de mines. Le temps, d’abord couvert, a bientôt fait place à des pluies diluviennes et à un terrible orage. La pluie qui frappait le pare-brise était si intense, qu’Harry avait l’impression de suivre une lance de pompiers en action. Il nous a finalement paru plus prudent de nous arrêter, car la nuit tombait et l’on pouvait craindre de tomber sur un wadi, lit de rivière normalement à sec transformé en torrent furieux. J’ai donc quitté la route avec précaution, par crainte des mines, en attendant que l’orage se calme. Nous avons attendu longtemps, des heures en fait, car même après la fin de l’orage nous pouvions craindre l’inondation. Pour passer le temps, Harry évoquait El Alamein en comparant les éclairs à ceux que provoquait le barrage d’artillerie précédant la bataille. Mais le bruit du tonnerre n’était rien en comparaison de celui des explosions. Il se souvenait qu’au plus fort des combats, il avait été frappé de voir les fourmis s’activer dans le sable pour transporter de la nourriture en ignorant totalement l’histoire en train de se faire. Cette indifférence l’avait aidé à prendre du recul pour faire face à la situation.
Après une nuit sans confort dans la voiture, les premières lueurs du jour nous ont montré que nous avions eu raison d’être prudents. Nous sommes bientôt arrivés à la petite ville d’Aïn Sefra, mais la Land-Rover à récupérer était encore plus loin et, en l’absence de pont, la circulation au-delà était barrée par un torrent impétueux. Les plus gros véhicules auraient été balayés s’ils avaient tenté de traverser. On nous a conseillé de prendre une chambre à l’hôtel, que nous avons trouvé sans peine. Du temps de la colonisation française, la ville était très active, avec une population appartenant à la classe moyenne (enseignants, médecins, infirmières, etc..) qui était partie au cours des mois précédents. Il y avait encore un petit groupe de soldats de la légion étrangère, consignés dans leur caserne en attendant leur tour pour être évacués. La caserne était proche de l’hôtel ; en nous promenant le soir à proximité, nous entendions le vacarme de gens ivres, criant dans toutes les langues et brisant des bouteilles ;
encore heureux qu’ils n’aient pas été libres de se promener en ville !
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Nous avons attendu là deux ou trois nuits, avant de pouvoir tenter la traversée du torrent toujours furieux, dont l’eau dépassait le bas des portières de la voiture, mais nous suivions des conducteurs plus expérimentés. Deux heures plus tard, nous avons pu retrouver notre Land-Rover en panne et commencer à la remorquer. Le remorquage au retour sur une route droite n’avait rien d’amusant, mais nous nous sommes relayés. Et avons pu rentrer sains et sauf, après cette balade peu ordinaire.
Parmi mes différentes activités, j’ai aussi aidé une nouvelle équipe de volontaires à réparer les infrastructures, comme par exemple les pompes et installations d’adduction d’eau. C’était une période intéressante et en dehors de ce type de travail on pouvait me demander d’aller à Tlemcen nous approvisionner ou donner des vêtements dans les villages. Tout cela me laissait peu de temps pour participer à la construction du nouveau village. Ce qui s’en approchait le plus, c’était sans doute les moments où je conduisais le camion avec une équipe de volontaires et de villageois pour chercher du sable ou du gravier au bord de la rivière, à quelques kilomètres.
J’avais prévu au départ de rester six mois. Peu avant la fin de cette période, nous avons reçu une demande d’une nouvelle organisation, qui souhaitait recevoir des volontaires expérimentés pour un nouveau projet en Iran. Il fallait partir presque immédiatement. Quelques-uns d’entre nous ont pensé que cette expérience serait complémentaire de celle que nous avions connue en Algérie. De plus, le billet pour le chantier de préparation à Paris était payé. Nous avons donc décidé de poser notre candidature.
Je n’avais pas été très satisfait de la gestion du projet en Algérie, où les responsables de chantier semblaient aller et venir sans directions claires venues d’Europe. Peut-être pour cette raison, j’avais eu la chance de passer d’un travail à un autre, toujours intéressants et cette expérience m’avait beaucoup plu. Il me semblait aussi que j’avais modestement contribué à apporter une aide à cette région ravagée par la guerre, qui avait souffert de malnutrition et de la négligence des autorités. J’étais tombé par hasard dans ce travail, mais il me convenait et j’étais impatient d’être confrontée à une situation nouvelle, dans un contexte totalement différent.
On m’avait dit que l’objectif du chantier d’El Khemis était de construire un nouveau village pour remplacer celui que les Français avaient détruit au début de la guerre d’Indépendance, et dont les habitants vivaient depuis dans des tentes et des bidonvilles. Quand je suis parti, les progrès de ce chantier n’étaient pas très visibles ; aussi j’ai été heureux d’apprendre par la suite qu’il s’était terminé avec succès. L’une des raisons de la lenteur des progrès provenait de la mauvaise santé de beaucoup de volontaires et de la dispersion des activités pour faire face à une diversité de besoins. C’était par exemple le cas de ma période d’enseignement et de mon travail avec l’équipe mobile de réparation.
Comment aurait-il fallu définir les priorités ? Il n’y a pas de réponse simple, mais on avait l’impression que notre action consistait à faire face aux problèmes au fur et à mesure, plutôt qu’à suivre des directives de Paris. Outre le manque de direction, le changement fréquent de responsables n’a pas aidé à maintenir le moral des volontaires, qui ont néanmoins fait ce qui leur était demandé et tiré le meilleur parti d’un très bel environnement. Dans l’ensemble, l’ambiance était très bonne, mais j’ai entendu plus tard évoquer des problèmes de consommation excessive d’alcool.
Sans aucun doute, cette expérience de six mois a joué un rôle central dans ma vie. J’ai trouvé ce travail de volontaire satisfaisant et l’argent de poche que nous recevions suffisait à nos besoins, même si pour certains il était pour une bonne part consacré à la consommation d’alcool. Certaines des amitiés nouées durant cette époque ont duré jusqu’à ce jour, même en l’absence de tout contact direct pendant de longues années. L’expérience acquise m’a beaucoup servi et m’a aidé à orienter les dix années suivantes de ma vie, au cours desquelles j’ai fait d’autres chantiers, en Inde et en Iran.

Volontaire et responsable en Iran

J’ai quitté l’Algérie pour l’Iran pour rejoindre un projet préparé par le European Working Group (EWG), où j’ai fini par être responsable de chantier. Il prévoyait de construire 116 maisons avec des dépendances, une école, des bains et un dispositif d’adduction d’eau. Il est sûr que l’on ne m’aurait pas proposé d’être responsable d’un chantier si je n’avais pas eu une expérience préalable en Algérie, ce qui a joué un rôle important dans ma sélection.
Un aspect très intéressant de mon séjour dans les deux pays provenait de la nécessité de travailler avec une population locale, en général musulmane. Cela n’a jamais posé de problème et, si l’on considère l’hystérie actuelle sur ce sujet dans le monde entier, nous pouvons penser à cette époque avec plaisir et avec respect pour les gens que nous avons rencontrés et avec qui nous avons travaillé. Il est bien dommage que ce type d’expérience ne soit pas à la portée de davantage de gens, car ces contacts culturels nous ont ouvert l’esprit.
On ne peut comparer des chantiers aussi différents que ceux d’Algérie et d’Iran : ces derniers étaient étroitement contrôlés par le siège central et nous étions très centrés sur notre travail. L’expérience du SCI en Algérie avait par comparaison un caractère très amateur, mais on ne peut être trop critique, car le contexte était très différent et les méthodes utilisées dans un cas n’auraient peut-être pas marché dans l’autre.
En raison de cette expérience de plus d’une année comme volontaire, j’ai décidé à mon retour en Grande-Bretagne, de reprendre des études à la London School of Economics, où j’ai obtenu un diplôme d’études supérieures de travail social. Avec ce diplôme, orienté vers les problèmes de développement, j’ai pu travailler comme coordinateur d’une action de l’EWG mettant l’accent sur le travail volontaire, mais en utilisant seulement une main d’oeuvre qualifiée dans le cadre d’une institution iranienne, dans le domaine de la santé, de l’agriculture et du bâtiment.

Nouvelle orientation

Quand cette organisation a disparu,du fait des pressions politiques en Hollande, j’ai quitté et j’ai par la suite connu différents types d’emploi et de modes de vie. Mais mon expérience de volontaire m’a beaucoup servi dans mon activité professionnelle ultérieure. Elle a contribué à modifier l’orientation de ma vie et ma reprise d’études m’a conduit à prendre des responsabilités administratives dans des actions d’aide d’urgence. Comme je viens de le mentionner, j’ai aussi tiré bénéfice de ma collaboration étroite avec des musulmans en Algérie comme en Iran. Enfin, cette expérience, complétée par des voyages en Inde, au Pakistan et à Ceylan, m’a rendu plus tolérant et m’a ouvert à la diversité du monde.




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