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Problèmes de mise en oeuvre d’un service civil

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Olivier Bertrand: Breaking down barriers 1945-1975, 30 years of voluntary service for peace with Service Civil International.
Paris (2008)

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Problèmes de mise en oeuvre d’un service civil

Indépendance à l’égard des idéologies

La correspondance de Pierre Cérésole et les livres d’Hélène Monastier montrent qu’il était très rigoureux dans ses principes, mais pragmatique dans leur application. Nous avons dit qu’il était profondément croyant, mais il était très indépendant vis-à-vis de l’Eglise protestante et très critique de son acceptation de la guerre, qui lui paraissait être une trahison des principes chrétiens. Pour lui,, le SCI ne devait pas avoir d’affiliation religieuse.

Du point de vue politique, si Pierre avait reçu au début le soutien des socialistes chrétiens de Suisse, il avait toujours gardé ses distances vis-à-vis de ses membres les plus radicaux. Et c’est clairement sur des principes humanitaires et non pas par engagement politique, que le SCI était intervenu pour les réfugiés espagnols.

Un pacifisme sans extrêmisme

Pierre Cérésole a eu également une attitude pragmatique vis-à-vis du pacifisme. Lors du grand chantier du Liechtenstein en 1927, il y avait des discussions sur la contradiction possible entre une attitude pacifiste et le fait de bénéficier d’un soutien des autorités. Pierre était partisan de certaines concessions et d’accepter tout le monde sur le chantier, quelle que soit son opinion. Il était aussi un grand admirateur des Quakers, dont il partageait les convictions et il avait demandé à faire partie de la Société des Amis. Mais il n’a pas toujours été d’accord avec leurs positions extrêmes, par exemple en 1939, lorsque le Gouvernement britannique a adopté une Loi permettant aux objecteurs de faire un service civil. Alors que certains Quakers pensaient que l’Etat ne devait imposer aucun service de substitution, Pierre a pensé que c’était un compromis acceptable.

En 1938, l’Assemblée générale du SCI avait décidé d’adhérer au Rassemblement universel pour la paix, mais Pierre n’était pas d’accord. Il rappelait que « Notre désir et notre espoir étaient... de grouper des gens de bonne volonté de toutes les couleurs politiques, religieuses et même militaires, pouvant souscrire sans réserve au moyen d’entente et de réconciliation offert par une collaboration concrète – manuelle si possible – dans un service d’entraide destiné à soulager des gens dans la détresse ». Et il ajoutait : « En obligeant nos membres à devenir automatiquement membres affiliés du RUP nous déplaçons notre position fondamentale... Le caractère absolument précis du SCI ... en contraste avec la bonne volonté indéfinie (ou même l’éternel bavardage) de certaines sociétés pacifiques peut être, à juste titre, le motif déterminant qui a décidé certaines personnes à devenir membres du SCI. Elles pourront être gravement déçues si elles découvrent qu’elles se trouvent englobées dans un mouvement beaucoup plus vague »6.

Pragmatisme dans les relations avec les institutions

L’indépendance et le pragmatisme qui caractérisaient l’action du SCI à ses débuts s’appliquaient aussi aux relations avec les institutions et notamment l’armée. En Inde, Pierre Cérésole coopérait étroitement avec l’administration, y compris l’administration britannique, ce qui a ouvert la voie à une collaboration ultérieure avec l’administration indienne. En 1930, il avait accepté l’aide de l’armée suisse pour l’équipement nécessaire aux chantiers d’urgence, à condition que le SCI ne fasse pas de propagande anti-militariste.

Tout en étant un pacifiste radical, Pierre admirait l’organisation et la discipline de l’armée. Son frère, colonel dans l’armée suisse, a joué un grand rôle dans l’organisation et la direction des premiers chantiers. Il n’était pas très loin de William James et de son appréciation des « mâles vertus » que les militaires craignaient de voir disparaître. Dans le même esprit, une pétition de 1922 pour un service civil en Suisse soulignait que celui-ci ne devait pas être moins exigeant, ni moins rigoureusement organisé que le service militaire.

Un travail dur et une vie frugale

A partir de cette conception, il n’est pas surprenant de lire de nombreuses références à la dureté du travail, à l’austérité et à la rigueur des conditions de vie sur les premiers chantiers. Pour Pierre Cérésole, c’était un autre bon côté de la vie militaire : on y prend l’ordre au sérieux. Il écrivait : «On ne badine pas avec l’ordre. Il y a un ordre qui appartient aux choses et non pas aux règlements ; celui-là se fait respecter ». Et ailleurs : « Mieux vaut un vrai service dur de 10 hommes qu’une promenade sentimentale d’une centaine dans les bois ».(7)

Tout en ayant une conception stricte de la discipline, Pierre avait un esprit ouvert et était toujours prêt à accepter les critiques. C’est ainsi qu’il lui est arrivé de publier dans le bulletin du SCI les critiques reçues de volontaires sur le manque de compétence des responsables de chantiers et sur la mauvaise sélection des participants.

Dés l’origine, des femmes ont participé aux chantiers, ce qui était considéré à l’époque comme une position avancée. Mais, pour partie sans doute en relation avec la dureté du travail, elles avaient un rôle bien délimité, celui qui était traditionnellement assigné aux femmes, c’est-à-dire les tâches ménagères. On les appelait les sœurs et elles ne participaient normalement pas aux travaux manuels (8).

Qu’est-ce que l’efficacité ?

Il y a bien entendu une grande distance entre les objectifs très ambitieux assignés au départ au SCI par Pierre Cérésole et ses compagnons et l’échelle très modeste de leur action. Il en était d’ailleurs le premier conscient, mais considérait que l’important était de faire le premier pas. Il n’y a eu que de rares actions à grande échelle, en particulier au Liechtenstein en 1928 avec 710 volontaires.

Citons ici à nouveau R. Prasad à la fin du chantier en Inde : “Bien que le travail du SCI n’aie pas été effectué sur une grande échelle, il nous a été bénéfique et nous a rapprochés”. Peu avant sa mort, rappelant que le Service civil n’était qu’une première démarche, Pierre Cérésole écrivait : « Ce n’est pas le résultat matériel (nombre de maisons reconstruites, d’hectares défrichés, ou même de vies humaines, terrestres, sauvées), ce n’est pas ce résultat lui-même qui importe. C’est le discours éloquent que ce service fait pour ramener l’attention sur le seul moyen de salut, sur le « SERVICE » absolu, ce que nous appelons le Service chrétien, ou le Service de Dieu, de l’Esprit, de la Vérité... ou ce que nous renonçons à nommer parce que c’est trop élevé ».

Sur ce point comme sur d’autres, il sera intéressant de voir ce qu’a été par la suite la perception de cet idéal par des volontaires venant de différentes cultures et de différents pays à différentes époques.

  1. Arthur Gillette, One MillionVvolunteers, Penguin.
  2. Hélène Monastier : Pierre Cérésole d’après sa correspondance. Op. cit.



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