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L’évolution historique - 1947-1956 : reprise des activités

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Olivier Bertrand: Breaking down barriers 1945-1975, 30 years of voluntary service for peace with Service Civil International.
Paris (2008)

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L’évolution historique - 1947-1956 : reprise des activités

On a vu au premier chapitre qu’une relation avec l’Inde s’était établie dés les débuts du SCI et que les principes sur lesquels se fondaient celui-ci étaient pour une part inspirés par Gandhi et par le mouvement non-violent en faveur de l’indépendance de l’Inde. Beaucoup de volontaires de la seconde génération ont été eux-mêmes inspirés par ce mouvement et ont souhaité en savoir davantage sur la philosophie et la religion orientales. L’accès à l’indépendance de l’Inde en 1947 a entraîné la partition du pays : la région orientale musulmane a été intégrée au Pakistan, le Cachemire est resté l’objet d’un conflit. Cette partition a suscité la mort d’au moins un million de personnes, tandis que 12 à 15 millions de personnes étaient déplacées : les hindous se sont enfuis du Pakistan et les musulmans de l’Inde. Avec l’afflux de réfugiés, le Dr Rajendra Prasad, Président de la fédération indienne (qui avait connu l’action du SCI en 1934), a demandé l’aide de cette organisation. Celle-ci a répondu favorablement, à condition de rester fidèle à son principe de neutralité et donc de pouvoir travailler également au Pakistan. Cette condition a été acceptée et la première équipe est arrivée. Un Suisse : Pierre Oppliger, qui avait enseigné le français à Indira Gandhi en Suisse, se trouvait en Inde, avait ses entrées dans les hautes sphères du pouvoir et connaissait Vijaylakshmi Pandit (sœur de Nehru, premier ministre de l’Inde), ainsi que d’autres personnalités. Il a joué un rôle important dans cette négociation.

La première équipe du SCI a travaillé à Faridabad, une localité proche de Delhi réservée aux réfugiés et aussi à proximité de Karachi. En raison de la chaleur intense qui précède la mousson, d’autres projets ont été mis en œuvre pendant cette période dans des régions d’une altitude plus élevée. Les premiers chantiers étaient conformes à la tradition du SCI : un travail manuel « pelle et pioche », qui ne devait pas concurrencer la main-d’œuvre locale et un mode de vie équivalent aux conditions locales. Les volontaires féminines, appelées « soeurs », étaient chargées des tâches domestiques, y compris de la lessive des vêtements des hommes et de la couture. Quelques observateurs extérieurs critiquaient le fait que des Occidentaux fassent un travail de coolie, considérant qu’ils n’étaient peut-être pas aussi efficaces, par manque d’accoutumance à la chaleur et au régime alimentaire.

Mais des questions plus importantes étaient en jeu. Durant cette période post-coloniale, il était important de montrer de manière symbolique que des blancs, jusque là associés. aux grands propriétaires et aux hauts fonctionnaires, pouvaient travailler la main dans la main avec des Indiens ou des Pakistanais. De plus, dans une société indienne habituée au système de castes et à un grand nombre de domestiques, le travail manuel était perçu comme indigne des gens instruits. C’est pourquoi l’un des premiers objectifs du SCI consistait à démontrer, par la mise en œuvre de sa devise « Pas de paroles, des actes », la dignité du travail manuel et ainsi à abolir les préjugés et à effacer les clivages entre inférieur et supérieur. Les volontaires du SCI voyageaient en bus ou en 4e classe en train (jusqu’à la disparition de la 4e classe), ils mangeaient la nourriture locale et couchaient habituellement sur le sol dans les chantiers. Le caractère non sectaire du SCI était aussi souligné. Il pouvait être mis en application avec des gens ordinaires, sans directives gouvernementales et il était compatible avec les idéaux de Gandhi, de sorte que ce n’était pas un concept entièrement étranger. Dorothy (Abbott) Guiborat (chapitre 2) et Devinder Das Chopra (chapitre 3) figuraient parmi ces premiers volontaires.

Les premières équipes de volontaires indiens et japonais ont rapidement recruté des étudiants en faisant des présentations dans les universités et en organisant des réunions. Les Oppliger ont été le contact non officiel du SCI pendant plusieurs années. Par la suite, Pierre Oppliger a été le représentant de l’organisme suisse d’aide et habitait à Almora en Utta Pradesh. Un noyau de volontaires expérimentés s’est peu à peu agrandi et en 1952 un groupe a été constitué, Ethelwyn Best représentant la branche britannique, qui la finançait1. Son rôle consistait à coordonner les programmes des volontaires à long terme (LTV), à encourager le développement du jeune groupe dont les membres ne pouvaient disposer que de leur temps libre, à rechercher des financements et à faire la liaison avec les projets éventuels et avec les administrations. Son bureau était à Mehrauli, près du fameux site du Qutab Minar à Delhi. A partir du début des années 50, de petits groupes de volontaires indiens et pakistanais pouvaient être régulièrement envoyés en Europe. Des groupes locaux se sont créés à Calcutta, Madras et Bombay. Avec la progression du nombre de volontaires expérimentés, celui des volontaires étrangers a diminué et la durée des séjours a été ramenée de 24 à 18 mois. En 1956, une équipe comportait trois volontaires pour une durée de 18 mois.

Création de la branche indienne

En 1957, le groupe de volontaires indiens a obtenu le statut de branche du SCI, avec Parashiva Murthy comme premier Secrétaire. Le Comité national a transféré les bureaux du SCI à Faridabad, lieu des premières activités antérieures à l’Indépendance. L’administration a donné au SCI trois baraques qui avaient servi pour l’aide d’urgence. L’une d’entre elles était réservée aux bureaux et aux locaux privés du SCI. L’autre aux femmes volontaires et la troisième aux hommes. Mais il n’y avait pas de téléphone et le bus pour Delhi n’était pas fiable, de sorte que toute affaire traitée avec Delhi prenait une journée entière. De plus, les membres locaux ne pouvaient pas facilement se réunir et le faible coût des bureaux était au détriment de l’efficacité. Le bureau est retourné à New Delhi en 1958, en partageant le garage de l’Association nationale des auberges de jeunesse ; plus tard, il a été rejoint par le Secrétariat asiatique, qui s’est finalement installé à K5 Green Park pendant les quarante dernières années. Comme l’écrit Valli au sujet du Bureau du Secrétariat indien : « Sous le nom affectueux de K5 que lui donnaient les volontaires venus de partout, c’est le numéro de la maison dans laquelle le Secrétariat se trouve encore à Delhi jusqu’à ce jour. C’est un lieu/un hâvre où des myriades de gens du SCI ont vécu, discuté, pris des décisions pour le SCI (et pour eux-mêmes ?) pendant une quarantaine d’années ! .

Au début des années 70, le travail administratif était effectué par Fiona Williams, une volontaire britannique, Bhupendra Kishore (nouveau Secrétaire national) et Valli Seshan (Présidente) qui constituaient l’équipe du Secrétariat administratif. En 1971, il y a eu une crise, lorsqu’il a été demandé au SCI de libérer le garage de l’Auberge de jeunesse, ce qui l’a conduit de passer de Faridabad à Delhi. J’ai2 pris contact avec Fr. Loesch, un jésuite allemand qui dirigeait le Service social germano-indien (qui existe toujours). Il était en Inde depuis longtemps et était un ami fidèle et un supporter du SCI. Je lui avais demandé d’user de son influence pour obtenir pour nous le droit d’utiliser un garage dans un organisme catholique. L’idée de demander à nouveau un garage lui a paru amusante. Il a suggéré que nous envisagions une location et que nous retournions le voir. Peu après, il nous a informés qu’une spacieuse maison de deux pièces était disponible pour 450 roupies à Green Park, en nous envoyant un chèque pour deux années de loyer. Nous n’aurions jamais imaginé que quarante ans plus tard, K5 serait pratiquement la propriété du SCI Inde (Les propriétaires ont quitté l’Inde et les locataires sont là par défaut). K5 se trouve dans une zone de New Delhi qui est aujourd’hui en plein développement. Quand on y repense, cela paraît un rêve. Fr. Loesch mourut avant même la fin des deux années. S’il avait vécu, il aurait été heureux, mais peut-être pas pour tout ce que le SCI a réalisé plus ou moins bien par la suite avec les locaux qu’il nous avait donnés.

On trouve aussi des récits concernant cette période dans les souvenirs de Phyllis Clift (Sato), Hiroatsu Sato (ci-dessous) et Valli Chari (Seshan) ci-dessous et de Thedy von Fellenberg.

Création d’un Secrétariat asiatique - 1959

En regardant vers l’avenir, le Comité international du SCI a décidé d’étendre les chantiers à d’autres pays d’Asie, ce qui exigeait une personne compétente à plein temps. Il se trouvait qu’heureusement Devinder Das Chopra était rentré en Inde après son séjour au Liban et en Egypte en 1955, grâce à une subvention de l’UNESCO, puis en Europe pour le SCI au cours des deux années et demi qui ont suivi. Il a pris la responsabilité du renforcement et de l’extension du SCI en Asie, en tant que premier Secrétaire asiatique. En mai 1959, son bureau était à son domicile, puis il a travaillé dans un garage voisin du Bureau de la branche indienne à l’Auberge de jeunesse. Valli Shari, qui venait de rentrer d’un séjour de deux ans en Europe, l’a rejoint en 1960. Le Comité national indien du SCI n’avait pas pensé qu’une femme pourrait assumer la charge de déplacements constants et avait refusé sa candidature. Mais Devinder ne partageait pas ces réserves et souhaitait vivement utiliser ses compétences. A différents moments, chacun d’eux a rendu visite au groupe japonais naissant et a encouragé les efforts entrepris par Hiroatsu Sato à son retour d’Inde en 1958. Ils ont envoyé des volontaires étrangers et des fonds au Japon (voir Elizabeth Crook et Cathy Hambridge Peel, ci-dessous). Le Secrétariat asiatique a invité Anowar Hussein de Dacca à New Delhi en 1960 et a recruté d’autres volontaires pour le chantier de formation Orient-Occident qui s’est tenue en 1961 à Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka). Le Secrétariat international a aussi démarré des actions au Népal, en Malaisie et en Thaïlande.

Entre temps, de nouveaux réfugiés affluaient en Inde, cette fois du Tibet à la suite de la fuite du Dalaï Lama en mars 1959, après des essais infructueux pour trouver un règlement pacifique avec l’armée populaire communiste chinoise. Le Secrétariat asiatique et la branche indienne ont contribué à faire face à cette situation d’urgence en aidant les enfants tibétains à Kasauli (près de Dharmasala). Kalan Singh Ghosh, du Comité central d’aide d’urgence a demandé de l’aide au SCI et Devinder a jeté les bases d’un projet en trouvant une maison pour les enfants. Elizabeth Crook décrit ci-dessous son travail dans ce projet comme infirmière. Pendant cinq ans, les volontaires indiens, japonais et européens ont continué à y travailler, jusqu’à ce que la guerre Indo-Pakistanaise rende les voyages difficiles.

Le nouveau rôle des volontaires à long terme

Le SCI a adapté son mode d’action à l’évolution des besoins. On a moins mis l’accent sur la recherche d’une alternative au service militaire et d’ailleurs plusieurs pays avaient déjà supprimé le service obligatoire. Par ailleurs, le contrôle des changes rigide imposé par la guerre s’était allégé et les voyages devenaient plus faciles, ce qui permettrait de recevoir davantage de volontaires. Si le SCI a joué un rôle de pionnier, beaucoup d’autres organisations ont commencé à organiser des chantiers, parmi lesquelles celles qui étaient financées et gérées par des gouvernements, des organisations religieuses ou des associations. Néanmoins, le SCI conservait un rôle unique, par son internationalisme, par son réseau de branches et de groupes gérés par des nationaux mais envoyant chaque année des représentants aux réunions du Comité international et par son indépendance financière des gouvernements. Mais il a fallu que le SCI reste adapté aux circonstances. Le Peace Corps a été créé en 1961 et des programmes comparables sont apparus dans d’autres pays. Le Gouvernement britannique a adopté une nouvelle approche en commençant par recruter et financer des volontaires mis à disposition d’organismes existants, dont l’IVS (branche britannique du SCI). C’était d’abord par l’intermédiaire du Lockwood Committee, puis par le ministère du Développement Outremer.

On ne peut dire ce qui est venu en premier : les occasions de démarrer des chantiers, qui ont toujours existé, ou les moyens de financement. La branche indienne a eu la possibilité d’ouvrir un chantier à Madras en 1958, grâce au père Pierre Ceyrac, longtemps soutien du SCI et plus tard représentant de l’Inde au Comité international, qui connaissait le maire de Madras, Mrs. Tara Cherian. Il s’agissait de travailler dans un bidonville intitulé Cherian Nagar. En plus du projet de Kasauli, géré par le Secrétariat asiatique (1961-1965), la branche indienne a commencé à travailler dans une léproserie à Hatibari (Orissa) en 1961-1962 (voir Elizabeth Crook, Cathy Peel et Bhuppy Kishore). Au milieu des années 60, il y a eu le projet agricole de Rapti (démarré en 1966) au Népal, celui de Pahayria, également agricole au Sri Lanka, la ferme coopérative de Kimpu au Japon, ainsi que les placements de volontaires en Thaïlande et avec la branche du Pakistan oriental (Voir Kobayashi sur Kimpu, Ann Kobayashi sur la Thaïlande et Roger Gwynn sur le Pakistan oriental). Les volontaires qui travaillaient sur ces projets ont également participé à des chantiers à court terme, mais il ne s’agissait plus de circuler d’un chantier à l’autre.

Le Secrétariat asiatique et ses localisations successives

Devinder et Valli ont quitté leur activité de pionniers à la fin de l’année 1964, mais tous deux ont continué à travailler dans le domaine du développement. Cela semble s’être souvent produit : d’autres organisations recrutent des volontaires ou des employés du SCI, dont elles ont reconnu l’expérience et apprécié l’état d’esprit. Devinder est devenu le directeur opérationnel du Peace Corps en Inde, avant de travailler longtemps pour l’UNICEF. Le Comité américain d’aide aux réfugiés tibétains a fait appel à Valli pour être son représentant et elle a par la suite contribué à l’élaboration d’un projet SEARCH à Bangalore, puis elle a siégé dans de nombreux conseils et travaillé comme consultante.

Comme le SCI s’était beaucoup développé dans le sous-continent indien, le Comité international a demandé que le Secrétariat asiatique se déplace à mi-chemin entre l’Inde et le Japon. Hiroatsu Sato a été nommé Secrétaire et en automne 1965 il a établi son bureau dans la capitale de la Malaisie. Des chantiers ont été organisés dans cette ville et à Penang, mais le gouvernement a finalement refusé de confirmer son accord pour un bureau du SCI et celui-ci a dû être transféré à Singapour en 1967 (voir Sato ci-dessous). Avant de quitter le Japon, Sato était resté en contact avec des volontaires de Corée du Sud et les avait aidés à organiser un chantier dans leur pays. Il avait également donné suite aux contacts établis par Ethelwyn Best au Sud Vietnam avec des bouddhistes, mais l’aggravation du conflit et l’impossibilité de se rendre également au Nord Vietnam ont finalement convaincu le Comité international de ne pas donner suite à la demande de volontaires au Sud Vietnam. Il y a eu de nombreux échanges de volontaires (voir ci-dessous), mais la guerre indo-pakistanaise de 1965 a rendu les voyages impossibles et a sérieusement limité les possibilités d’échanges de volontaires entre pays voisins pendant plusieurs années.

Une série de graves cyclones ont frappé le Pakistan oriental et ont suscité l’aide d’urgence de plusieurs branches spécialisées dans ce type d’action, notamment la branche française. Le Secrétariat asiatique a aidé les groupes locaux et contribué à la collecte de fonds. Un projet à long terme de construction d’un abri anti-cyclone à Moudubi s’est finalement concrétisé et plusieurs étudiants volontaires qui y ont participé ont constitué le noyau de la branche du Bangladesh.

En 1966, Ataur Rahman a été nommé Secrétaire adjoint pour l’Asie avec un bureau à Colombo.. Quand Navam Appadurai a pris la fonction de Secrétaire asiatique en 1968, Shintani-san a maintenu le bureau de Singapour jusqu’à ce que les Appadurai et Ataur le rejoignent en 1970. Navam et son équipe ont travaillé durant une période de plus en plus tendue. En 1971, le Pakistan oriental s’est séparé du Pakistan et la guerre civile qui a suivi a également impliqué l’Inde, ce qui a entraîné à nouveau de nombreux départs de réfugiés. Le groupe du Bangladesh et la branche indienne ont été très actifs dans ce contexte (voir Juliet Hill Pierce et Linda Whitaker ci-dessous). En 1972, la succession du roi du Népal a suscité une agitation étudiante et a conduit à l’abolition des réformes. Il y a eu des tensions fréquentes entre les Corées du Nord et du Sud et entre Cinghalais et Tamouls au Sri Lanka. Ces évènements se situaient dans le contexte de la guerre du Vietnam,qui créait une atmosphère de tension dans toute la région. Ce contexte a entraîné des difficultés pour obtenir des visas et surtout des divisions au sein du SCI entre activistes et pacifistes – en particulier en Europe. Malgré tout, les membres du SCI dans tous ces pays (sauf la Corée du Nord et le Vietnam) ont continué à organiser des chantiers et des projets à long terme.

En 1972, le Secrétariat asiatique s’est déplacé à nouveau pour revenir à Colombo. Le gouvernement de Singapour, après celui de la Malaisie, a pris ombrage de la vocation du SCI à proposer une alternative au service militaire obligatoire. Comme Singapour organisait une préparation militaire pour les jeunes qui terminaient leurs études,il a été demandé au SCI de changer sa constitution fondée sur la paix ou de quitter le pays. Il n’y a pas eu de discussion et le bureau a déménagé de nouveau. Ataur était déjà parti pour s’engager dans un travail d’aide d’urgence dans son pays devenu récemment indépendant. Navam a continué à exercer la fonction de Secrétaire asiatique jusqu’à 1978 à Colombo (voir l’article en annexe).

L’âge d’or du SCI en Asie

Tous les facteurs se sont conjugués pour faire en sorte que la fin des années 60 et les années 70 aient été l’âge d’or du SCI en Inde. La célébration du 50e anniversaire du SCI en 1970 avait illustré cette situation. Le gouvernement de Delhi avait entrepris de nettoyer des bidonvilles et le SCI avait organisé un projet à long terme pour les habitants. Pour marquer ce cinquantième anniversaire, 50 volontaires se sont rassemblés pendant 100 jours pour construire un dispensaire. Un autre événement avait été la prise de fonction de Secrétaire national par Bhuppy Kishore, assisté par une succession de volontaires à long terme britanniques pour la collecte de fonds, la correspondance et la publicité.

Cette combinaison efficace d’un Secrétaire actif et créatif et de volontaires compétents avait créé une atmosphère stimulante. Les marches pour la paix organisées par le bureau ne permettaient pas seulement de recueillir des fonds, mais aussi de faire de la publicité et d’attirer des volontaires. Le bureau de K5 est devenu un pôle d’attraction. Un autre événement a été l’arrivée de Valli Seshan à la présidence du Comité national. Elle a su donner une nouvelle orientation à l’association, en coopération étroite avec Bhuppy. Les Seshan avaient aussi une maison ouverte à New Delhi, ce qui a beaucoup aidé les volontaires à long terme à résoudre leurs problèmes, à recevoir des conseils et à se sentir chez eux. Une autre maison ouverte se situait à Visionville, près de Bangalore (voir Sato et Phyllis, ci-dessous), qui accueillait les volontaires et organisait des chantiers à court terme et plus tard des sessions de formation. Des projets à long terme ont été organisés dans l’Etat de Bihar (Vedantangal et Shahdara) et en 1971 une aide d’urgence a été apportée aux réfugiés du Pakistan oriental (voir Martin Pierce, Juliet Hill Pierce et John Neligan). Les projets à long terme et les défis qu’ils posaient, des chantiers très actifs, un bureau dynamique, des volontaires à long terme très engagés et des maisons ouvertes : tous ces éléments ont eu un impact profond sur la vie de quantité de gens.

En 1974, un programme d’échanges a été mis en route par la branche indienne pour résoudre le problème des visas : les visas d’un an étant trop difficiles à obtenir, les programmes étaient prévus pour des périodes de trois mois et des volontaires indiens étaient régulièrement envoyés en Europe. Mais l’état d’urgence a été déclaré en juin 1975 par suite de la guerre avec le Pakistan et il a duré 18 mois ; il impliquait la suspension des élections et des libertés civiles. Ces circonstances ont eu un effet sur l’activité du SCI et ont entraîné la disparition de Visionville du fait de la suppression des visas.

Le défi résultant de la transformation de l’Asie

Avec le recul, on est frappé par l’ampleur des changements qui ont affecté l’Asie et par l’évolution des problèmes de la région Durant la période 1947-1975. Dans les pays récemment indépendants et au Japon après la défaite, il existait une demande instante de changement. Parallèlement, les jeunes occidentaux étaient impatients de franchir les frontières, avec l’espoir que la compréhension internationale pourrait prévenir de nouvelles guerres. Lorsque des sociétés sont totalement dévastées par la guerre et la défaite, il arrive un moment où les populations en ont assez. Le SCI proposait une démarche modeste, mais très efficace pour des gens ordinaires, impatients d’avoir la paix, de jeter des ponts entre les peuples et de travailler concrètement sur le terrain. Un travail physique sur les chantiers, qui avait un sens, n’était pas seulement la démonstration de la dignité du travail manuel ; il permettait aussi de créer des liens, car le travail manuel permettait de surmonter la barrière des langues et des cultures. La diversité des participants – non seulement entre pays, mais aussi entre régions d’un même pays – pouvait susciter des malentendus, mais le seul fait de s’efforcer de les surmonter pouvait susciter un espoir. Et des étudiants encore influençables étaient amenés à ouvrir les yeux sur la vie de leurs concitoyens, ce qui dans bien des cas a affecté leur choix de carrière.

Ces années d’espoir et d’enthousiasme ont peu à peu été affectées par la survivance des problèmes que l’indépendance et la paix n’avaient pas permis de résoudre et par le contexte international. La guerre froide est venue s’ajouter aux guerres ouvertes : conflits du Cachemire, occupation du Tibet par la Chine, guerre indo-pakistanaise de 1965, impasse en Corée du Nord, guerre et création du Bangladesh en 1971, guerre du Vietnam et conflits communaux au Sri Lanka. Le SCI a continué à jouer un rôle et le développement des projets à long terme dans la région lui a permis de faire face à de nouveaux défis. En particulier quand il s’agissait de projets accessibles à des membres locaux, comme à Nangoli, un enrichissement mutuel était possible. Mais le SCI restait à la merci des gouvernements pour obtenir des visas et manquait constamment d’argent, de sorte que son action a subi des hauts et des bas et a commencé à décliner.

Au 21e siècle, la croissance de la population a suscité de nouveaux défis. Par ailleurs, une forte croissance économique a beaucoup élevé le niveau de vie et créé les conditions d’un transfert du pouvoir. Les progrès de la communication sont une source de grands changements. L’environnement est donc totalement différent de celui de la période 1945-1975. Les chantiers traditionnels sont-ils encore adaptés à notre époque high tech ? La prochaine génération, ou les héritiers de ceux qui sont passés par d’innombrable chantiers et projets dans différents pays d’Asie peuvent trouver de nouveaux modes de rencontre entre personnes ordinaires. La nécessité de surmonter les barrières ethniques et religieuses peut être à l’origine du travail du SCI au XXIè siècle.




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